18 juillet 2007

Les études : l'école élémentaire

Je suis de la vieille école, sur tous les plans. Dans ma façon de comprendre les choses, d'aborder les gens, de vivre mes sentiments. Mon éducation familiale a eu un rôle à jouer dans ma façon d'être, évidemment, et ma scolarité aussi. Et, sans aucun doute, mes lectures. Quand on nous inculque certains principes, et quand nous adoptons certaines attitudes, il est difficile de s'en défaire. Non, je ne suis pas un modèle de politesse, mais il reste que j'apprécie qu'une courtoisie élémentaire prévale dans mes échanges avec mes semblables.

À l'époque où j'ai commencé mes étude, la politesse n'était pas souhaitée, elle était exigée. Le manque de respect à l'endroit d'une enseignante, par exemple, était sévèrement puni. J'imagine qu'il en est de même dans les écoles, aujourd'hui, mais la punition, elle, est d'une autre nature, j'en suis persuadé.

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Je suis entré à l'école en septembre 1960, du temps de l'Instruction publique. Le ministère de l'Éducation n'existait pas encore, le Rapport Parent n'avait pas encore été déposé. L'école, c'était l'affaire des Frères des écoles chrétiennes. On ne se surprendra donc pas d'apprendre que la religion constituait la pierre d'assise de l'édifice scolaire. La vie à l'école était rythmée par différents événements rattachés au calendrier et aux rites catholiques. Ainsi, le premier ou le dernier vendredi du mois, la confession était obligatoire; à la période de l'Avant, on pouvait assister à la messe tous les matins et arriver en retard à l'école; à la Fête-Dieu, nous participions à une grande procession dans les rues du quartier, notre macaron de croisé du Christ fièrement épinglé à notre poitrine. Et puis il y avait la prière du matin et du midi, et les visites de missionnaires qui venaient nous vendre des petits Chinois, dont on nous remettait les photos contre vingt-cinq sous, ou nous parler de la lèpre en Afrique. Et il ne faut pas oublier la tenue, tous les ans, de la retraite : trois jours enfermés dans le sous-sol de l'église à écouter des prêtres discourir sur les bienfaits de la religion catholique. Et c'est sans compter toutes les activités spéciales associées aux différentes fêtes, comme Noël, l'Épiphanie, Pâques, l'Immaculée Conception, l'Ascension, la Toussaint... Bref, nous ne risquions pas d'oublier que nous étions de bons petits catholiques, même si nous étions souvent de vrais petits démons.

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C'est à l'école Saint-Vincent-Ferrier, sur la rue Drolet, au coin de Jarry, que j'ai entrepris mes études. Une école de garçons où l'enseignement était surtout donné par des femmes. Il y avait bien quelques professeurs masculins, mais ils enseignaient aux plus vieux, ceux de sixième et de septième. L'école était pourvue de deux cours de récréation : celle des petits et celle des grands. La hâte qu'on avait d'aller dans la cour des grands, après trois ans dans la minuscule cour des petits. Une véritable promotion quand ce jour arrivait enfin.

Je dois dire que j'étais un véritable petit ange à l'école. Sage comme une image, comme on disait à l'époque. C'est qu'on ne rigolait pas avec la discipline. Un tout petit «crime» menait rapidement à des sanctions plutôt douloureuses. Il suffisait de lancer une malheureuse boule de neige pour goûter à la médecine du principal, M. Paré : quelques coups de «strap» sur les mains. La «strap» était une épaisse lanière de cuir ou de caoutchouc qui claquait lugubrement sur les mains du pauvre enfant qui devait subir la punition. Rares étaient ceux qui ne pleuraient pas quand ils recevaient ces coups. Je n'ai jamais reçu cette punition. Par contre, M. Paré m'a violemment giflé, une fois, parce que j'avais traité un de mes compagnons de menteur. Ça ne s'oublie pas!

La «strap» était la terreur des élèves. Parfois, un malheureux se faisait expulser de la classe; son attente dans le couloir pouvait se transformer en cauchemar si le principal venait à passer. Est-il besoin d'ajouter que le seul fait d'être «invité» à aller au bureau du principal se traduisait par une crise d'angoisse? Un jour, la maîtresse vint m'avertir que M. Paré voulait me voir. J'étais livide. Je n'avais rien à me reprocher, mais qui peut se prétendre totalement innocent? C'est en tremblant que je suis descendu jusqu'au bureau maudit. Mais, au sourire du principal, j'ai vite compris que je n'avais rien à craindre. Il désirait simplement me remettre quelques livres à relier : je devais les apporter à mon père, qui était relieur. Je quittai l'école sur-le-champ, les livres sous le bras. Non seulement je n'étais pas puni mais, en plus, je profitais de quelques instants de liberté à l'extérieur de l'école.

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Dans ma famille, la réussite scolaire allait de soi. Mes soeurs plus âgées étaient toutes des premières de classe. Aussi, quand j'ai reçu mon premier bulletin scolaire et que j'ai constaté que j'étais treizième, ce fut un drame. Je pleurais comme une Madeleine, humilié. Pour moi, il s'agissait d'un échec, j'étais le crétin de la famille. Ma mère avait beau tenter de me consoler, rien n'y faisait. Les sourires narquois de mes soeurs n'arrangeaient pas les choses. Mais j'ai surmonté cette pénible épreuve : les neuf mois qui suivirent, je terminai premier. J'avais lavé mon honneur.

À l'époque, le premier de classe jouissait de certains privilèges. Ainsi, on lui remettait une jolie médaille dorée qu'il agrafait à sa chemise. Les premiers jours, on portait fièrement cette médaille mais, sans doute par crainte de la perdre, on la «rangeait» bientôt et on l'oubliait. Si bien qu'à la fin du mois, quand il fallait rapporter la fameuse médaille, la panique s'installait : où se trouvait donc cette foutue médaille? Pour avoir été très souvent premier, je peux dire que ce scénario s'est répété à maintes reprises.

Le premier de classe avait aussi charge de la classe quand l'enseignante devait s'absenter quelques minutes. Un véritable honneur que de s'installer au bureau de la maîtresse et de veiller impérialement au maintien de l'ordre. Il participait aussi, à l'occasion, à la rédaction des bulletins, surtout si sa calligraphie se distinguait par sa beauté. Mais le plus grand avantage résidait dans le privilège de choisir les plus beaux prix, à la fin de l'année. Il faut savoir que, dans les années soixante, la commission scolaire fournissait des cadeaux à toutes les classes de toutes les écoles. Il y avait des présents pour tous les élèves, du premier au dernier, mais le choix initial revenait évidemment au petit génie de la classe. Et s'il advenait que le nombre de prix dépasse le nombre d'élèves, eh bien, le premier repartait avec plus d'un cadeau.

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Cinquante ans auparavant, Montréal n'était pas une ville aussi cosmopolite qu'aujourd'hui. Un jour, je devais avoir quatre ou cinq ans, ma mère m'a emmené magasiner. Nous avons pris le tramway, je ne sais plus sur quelle rue. À l'intérieur, un Noir était assis. Il portait un uniforme rouge; il devait être portier pour un hôtel. Je le regardais avec insistance, sans doute fasciné, mais sûrement effrayé. Je me serrais contre ma mère. Les seuls Noirs que j'avais vus jusqu'alors se trémoussaient, vêtus de pagne, sur le rythme des tam-tam : c'était dans les films de Tarzan. Dans Villeray, on ne voyait jamais d'«étrangers». L'exotisme, c'étaient les quelques Italiens qui habitaient le quartier. Oui, il y avait aussi quelques Anglais, et des Grecs, en face de chez nous, mais en aucun cas leur peau ne trahissait leur origine.

Un matin, un Noir arriva à l'école, créant toute une commotion. On l'observait, mi-craintifs, mi-intéressés. Les Noirs, pour nous, c'étaient les lépreux d'Afrique. Devant l'émoi causé par le nouvel élève, M. Paré ne fit ni une ni deux : il convia l'école entière dans la grande salle et là, devant tous les élèves, il frotta le cou du jeune Noir avec sa main avant d'en exposer solennellement la paume. La démonstration ne pouvait être plus claire : la couleur de la peau du garçon ne déteignait pas. Le message, quant à lui, était plutôt ambigu : encore aujourd'hui, je n'ai toujours pas saisi ce que le principal voulait nous dire...

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Il ne s'agit là que de quelques réflexions initiales sur l'école que j'ai connue et aimée. Oui, aimée. Malgré les punitions corporelles, la rigidité de la discipline, le lourd couvert religieux, je trouvais mon bonheur dans cette institution qui nous préparait à devenir des hommes. Le sujet est vaste, aussi y reviendrai-je.

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2 commentaires:

Geneviève a dit...

J'aime bien lire l'école d'autrefois... Encore que le truc du directeur, c'était pas fort! :s

Anonyme a dit...

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