5 juin 2007

Premiers pas...

C'est au son des notes de Saint-Saëns que j'entreprends la rédaction de ce blogue. Je ne sais si cette musique créera l'ambiance voulue, celle qui mène à un jardin que je ne désire plus secret. Je l'espère. Depuis toujours, je subis les tourments d'une âme nostalgique qui me ramène continuellement à ces personnes qui ont fait irruption dans ma vie, pour le meilleur ou pour le pire. Je suis bien empêtré dans tous les souvenirs qui m'assaillent. Il me semble que d'en parler m'apportera la paix.

J'aurai bientôt cinquante-trois ans. Un âge où un bilan n'est pas inutile. Un âge où je peux me permettre de digresser sur les minois, jolis ou non, qui ont peuplé mes rêves et mes réalités. Certaines évocations pourront paraître bien puériles, j'en suis conscient... et ce n'est pas sans un étrange sentiment de culpabilité que je ressens des choses peu avouables. Peu avouables du fait qu'elles font de moi un imbécile. En effet, comment dire que je n'ai jamais oublié cette enfant qui a fait éclater mon coeur voici près de quarante-cinq ans? Et que, dans un certain sens, elle est toujours présente en moi? Comment dire que je me souviens comme si c'était hier des paroles d'une petite fille qui, malgré leur douceur, mettaient mon petit monde en miettes?

Comment dire ces choses? Le plus simplement possible, j'imagine. Au gré de mon inspiration, des sentiments qui surgissent, des plaisirs ressentis, et des douleurs qui me hantent, quand les heures se font un peu plus sombres.

*

Oui, bientôt cinquante-trois ans, plus de passé que d'avenir, une vie remplie de boulot, de tâches domestiques et d'une certaine solitude. Rien de bien lourd, côté solitude. Fausse solitude, en fait, puisque je vis avec mes deux enfants adolescents. Solitude sentimentale, quoi! Qui n'est pas nécessairement mal venue après deux mariages, cinq enfants et trois petits-enfants. Je ne cherche plus l'âme soeur, je l'ai trouvée. Le seul problème, c'est qu'elle n'a pas voulu de moi. Pour des raisons que j'expliquerai éventuellement. Ce que j'ai compris de cette histoire, c'est que cette demoiselle aurait été mon seul amour... aura été mon seul amour, mon dernier amour. Je sais bien que je fabule, que le dernier amour est toujours le seul amour, et qu'on le conjugue avec éternité, sans chercher à voir que de se consommer, il brûle lentement et se réduit en cendres. Néanmoins, je l'attends, cette belle dame. Je me dis qu'un jour, elle aura une révélation, qu'elle comprendra que personne d'autre ne l'aimera jamais comme je saurai l'aimer. C'est idiot, je sais. Mais que puis-je y faire, puisqu'elle est ma douce? Je n'en parle à personne, de peur d'assommer mes rares confidents avec mes bêtises. Pourtant, ces choses-là, il est bon de les dire. Ça leur donne une apparence de réalité, elles s'incarnent dans des mots inutiles. Elles rendent possible ce qui apparaît bien improbable. Je dirais même qu'elles nous font vivre, qu'elles sont notre souffle. Et puis, comme l'écrivait Jacques Prévert, «la vie, les rêves, c'est pareil, ou alors ça ne vaut pas la peine de vivre».

*

«Dans l'existence, dans la patience, mon coeur veille, mon coeur se fâne. L'ombre suit celui que j'étais. Dans la patience, dans l'existence, je me suis perdu en cherchant. J'étais jadis, je suis encore, je n'étais pas, je ne suis point. Je me suis perdu en cherchant. Dans les errances, dans les rêves, la nuit me tue, le jour me ramène. Le jour se perd, la vie s'abrège. Dans les rêves, dans les errances, dans l'espérance, dans l'attente, je rêve la vie et je vis en rêve, je cache mon coeur, j'accuse mon coeur, de ne vivre point, de rêver encore, dans l'attente, dans l'espérance.» (Mesa Selimovic, La Forteresse) Ces mots me sont doux, car ils expriment, avec une acuité que je n'aurais pu atteindre, ce que je suis. Il est de ces maladies qui ne guérissent pas mais dont on ne parvient pas à mourir, et l'amour en est la plus maligne. Mille fois on m'a assassiné, mais jamais complètement. Aussi n'est-il pas surprenant de me trouver sonné, ébahi même de respirer encore.

*
Il y a dans les amours enfantines une candeur qu'on ne retrouvera jamais. C'est ce qui les rend précieuses. Comme tout le monde, j'ai été amoureux de mes «maîtresses d'école», ainsi qu'on disait autrefois. Septembre 1960, école Saint-Vincent-Ferrier, Montréal : si mes souvenirs sont bons, il s'agissait de Madame Leclerc. Une belle grande femme sobrement vêtue ; on ne rigolait pas, à l'époque, avec la tenue des dames. Un jour, elle nous a demandé si on l'aimait ; je pense qu'elle voulait savoir si nous l'apprécions comme enseignante. Et il y a eu ce moment magique où un petit Italien de la classe, Orlando, s'est levé pour répondre par un «oui» sans ambiguïté. La raison de ce «oui» enthousiaste, s'enquit-elle : «Parce que vous êtes belle!» Silence, malaise ; Orlando avait rougi, mais nous l'approuvions tous. Je ne crois pas qu'elle était vraiment consciente de l'attrait qu'elle exerçait sur nous. Le soir, dans mon lit, je créais des scénarios qui négligeaient le fait que j'avais six ans et qu'elle devait être à la fin de la vingtaine. Mes avants-bras recevaient de fougueux baisers que je lui destinais (on n'est jamais aussi innocent que les parents veulent bien le croire) et, par des prouesses incroyables, je gagnais évidemment son coeur. Pour invraisemblable que soit cet amour, il existait pourtant bien. Mais, si grand fut-il, il ne survivait pas à l'été. Une autre maîtresse arrivait dans ma vie, un autre amour naissait, toujours aussi pur. L'idée du corps n'est pas encore présente en ces âges. L'amour se suffit en soi, de sa seule existence. Il n'a besoin d'autre preuve qu'un regard insistant, qu'un coeur battant la chamade quand son objet vient déposer une copie sur mon pupitre.

Mais ces amours, dans leur utopie, ne font qu'un temps. Viennent ensuite les premiers vrais émois, qui auront un prénom : Laurette.

***

17 commentaires:

Geneviève a dit...

Tu vois, je t'ai trouvé. Signe que ça fonctionne. Je vais te mettre dans mes liens. Avec mes 2000 visiteurs par semaine, tu trouveras sûrement quelques fidèles pour te lire! :o)

Vagabonde a dit...

Bon, je viens d'entrer sur ton blog. Mais je suis très fatiguée ce soir, alors je vais lire ça à tête reposée demain.

Ça m,a l,air t`res intéressant et invitant.

Anonyme a dit...

J'ai tout lu, et trouvé cela intéressant. Le temps me manque pour les commentaires, mais ça viendra.

Anonyme a dit...

Anonyme = Roxanne. Le problème c'est que je ne sais pas comment ça fonctionne. Je suis une éternelle ignorante.

Anonyme a dit...

Finalement, je crois que j'ai trouvé.

Vagabonde a dit...

Hé, c'est super bon !

En plus, le site est très esthétique. Bravo !

Est-ce une fiction totale... ou bien y a-t-il eu une Laurette ?

Cyrano a dit...

Chère Vagabonde, la seule fiction qu'il peut y avoir dans ces lignes tient à la perception que j'ai des événements que je relate, et à la fidélité de ma mémoire. Bref, s'il y a fiction, elle se cache dans ma subjectivité. Sinon, tout est vrai.

caroline.g a dit...

"Je n'en parle à personne, de peur d'assommer mes rares confidents avec mes bêtises. Pourtant, ces choses-là, il est bon de les dire. Ça leur donne une apparence de réalité, elles s'incarnent dans des mots inutiles. Elles rendent possible ce qui apparaît bien improbable. Je dirais même qu'elles nous font vivre, qu'elles sont notre souffle. Et puis, comme l'écrivait Jacques Prévert, «la vie, les rêves, c'est pareil, ou alors ça ne vaut pas la peine de vivre»."

C'est troublant, Cyrano...
À ma première visite, je lis des mots qui me frappent de plein fouet, qui me parlent de ce que je vis, qui me font monter l'eau aux yeux. Moi aussi j'aime un absent. Moi aussi je me suis dit qu'il n'y aurait que lui. Puis, je me suis résignée à espérer autre chose, autrement, puisque lui ne serait jamais là. Mais y'a pas. Ça passe pas. Ça fait même fichtrement mal, pour quelque chose qui n'existe pas. Alors vous lire... ça m'a fait un bien que je ne saurais nommer. Merci.

Cyrano a dit...

Caroline, si mes mots ont pu vous faire du bien, vous m'en voyez fort heureux. Il est vrai que même ne plus y croire, c'est encore y croire un peu. Et c'est par certaines constatations qu'on mesure parfois, avec angoisse, ce vide qu'on ne saura jamais combler. Il faut pourtant continuer à vivre, et essayer d'aimer encore...

Anonyme a dit...

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